Histoire du Théâtre de la Sinne

Mulhouse reste longtemps à l’écart du mouvement de constructions de théâtres qui s’opère en France à partir de la seconde moitié du 18e siècle.

Elle est jusqu’en janvier 1798 – date de sa réunion à la France – une république indépendante alliée aux cantons suisses dans laquelle les représentations théâtrales sont interdites.

Ainsi, dès le 24 août 1798, une troupe s’annonce qui vante « ses pièces de variétés, ses pantomimes et son ballet bien composé ». A l’origine, l’activité théâtrale se déploie à priori dans différents lieux.

1810 | 1866 | 1868 | 1876 | 1887 | 1904 | 1911 | 1976

1810 : première salle de spectacle

En 1807, André Glück propose de convertir en salle de spectacle et à ses propres frais « une vieille grange toute délabrée » appartenant à l’hospice civil,  située rue Sainte-Claire. Trois ans plus tard, la municipalité approuve l’initiative, estimant que monsieur Glück a rendu un service à la ville en offrant « un lieu de délassement et de plaisir aux nombreux étrangers qui viennent journellement de toutes les parties de l’Empire et des pays voisins faire prospérer son industrie et son commerce ». Un bail est alors signé.

Mulhouse, qui compte moins de 10 000 habitants au moment de l’ouverture du petit théâtre, connaît grâce à son industrie en plein essor, une croissance démographique rapide. En 1866, les Mulhousiens sont près de 59 000 et le théâtre ne correspond plus aux besoins de la population. Mais la Ville ne peut prendre à sa charge la construction d’un nouveau théâtre… Les industriels entrent alors en scène !

1866 : début de la construction du théâtre

Crédits photo : Ville de Mulhouse

Le 18 décembre 1866, les statuts de la Société théâtrale de Mulhouse, société à responsabilité limitée constituée dans le but de construire et d’exploiter une salle de spectacle, sont déposés par ses 10 membres fondateurs, des industriels pour la plupart d’entre eux, à l’instar de Jean Dollfus, Isaac Lantz, ou encore de Georges Steinbach.

Moins d’un mois plus tard, 242 nouveaux actionnaires les auront rejoints, ayant acquis les 2 000 actions émises.

Au sortir de l’hiver le terrain est acquis. Donnant sur la rue de la Sinne, son emplacement est idéal, à la fois central et à proximité du Nouveau Quartier, le quartier résidentiel et d’affaires édifié 40 ans plus tôt.

Au début du printemps 1867, un traité est signé avec Henri Philastre, architecte-décorateur de Paris pour la construction du théâtre et d’un café-concert au sous-sol du bâtiment et la première pierre est posée en mai.

1868 : Ouverture

Le théâtre ouvre ses portes le 6 janvier 1868. Le bâtiment à la façade en pierre de taille est élégant, construit dans l’alignement de la rue, affiche un caractère moins monumental et ostentatoire que nombre de théâtres construits au 18e ou 19e siècle.

A l’intérieur, la largeur des couloirs, digne des grands théâtres parisiens, impressionnent, tout comme les dorures de la salle de spectacle.

Dès son ouverture, le théâtre  bruisse d’une intense activité, notamment lyrique : longtemps,  il possèdera sa propre troupe lyrique, notamment de 1922 à 1934 et de 1946 à 1968.

1876 : le théâtre devient municipal

Très rapidement, la Société théâtrale connaît des difficultés financières. Dès 1870, elle engage des pourparlers avec la Ville de Mulhouse afin de lui transférer la propriété du théâtre, et son passif. La Ville ayant à cœur de « faire connaître aux moins fortunés comme aux plus riches des œuvres littéraires et musicales dont l’influence civilisatrice est incontestable et qui, sans le théâtre resteraient pour l’immense majorité du public à l’état de lettre morte » accepte la transaction et devient définitivement propriétaire du bâtiment en 1876.

Elle va dès lors de manière régulière procéder à des travaux.

Côté spectacle, le théâtre s’est lancé dans des créations mondiales d’opéras, opérettes, opéras –bouffe, des œuvres à grand spectacle, dans les années 1950 et début des années 1960. A la saison lyrique assurée depuis 1972 par l’Opéra du Rhin, s’adjoint une programmation variée, complémentaire à celle de la Filature, Scène nationale.

1887 : première transformation

Première transformation en 1887, la fée électricité arrive au théâtre, remplaçant ainsi l’éclairage au gaz.

Onze ans plus tard, la technique ayant évolué, l’installation électrique ne répond déjà plus aux normes et doit être en partie remplacée !

1904 : le théâtre s’agrandit

Depuis plusieurs années, le besoin d’un local pour les décors se fait jour.

En 1904, les premières modifications d’envergure démarrent et le théâtre s’agrandit. Un bâtiment est accolé à cet effet côté ouest, en face du square Steinbach devenu jardin public, qui comprend aussi la loge du concierge et le bureau du directeur.

Les espaces étant réorganisés, un fumoir peut être créé, afin qu’à l’entracte, au lieu de sortir, les hommes puissent fumer une cigarette et boire une bière…

La scène et ses équipements sont réaménagés, une nouvelle charpente en fer surélevée permettant d’accueillir de nouveaux décors, plus grands, est construite. L’environnement du théâtre se modifie : le petit passage le long du bâtiment disparaît au profit de l’ouverture d’une rue (actuelle rue A. Wicky).

1911-1913 : 2e transformation du théâtre

En 1909, l’acquisition d’un terrain voisin permet d’envisager un nouvel agrandissement. Les travaux débutent en 1911. Il était temps car le gouverneur du Reichsland d’Alsace-Lorraine menaçait de fermer le théâtre si des travaux n’étaient pas entrepris pour en améliorer la sécurité !

C’est durant cette période que le théâtre acquiert la physionomie que nous lui connaissons actuellement, avec notamment l’adjonction d’une élégante avancée sur arcades.

A l’intérieur, tout est plus vaste :

  • l’accès à l’orchestre ne se fait plus devant mais sur les côtés,
  • la surface du foyer a doublé, les couloirs ont été élargis, la salle modifiée comporte des places supplémentaires – il y en a maintenant près de 1000.
    Parallèlement, un renforcement des éléments porteurs (en béton armé) a été opéré.
  • Au niveau du 2e balcon, un nouveau passage surplombe le foyer et permet d’y admirer l’animation lors des entractes.
  • Le 3e balcon s’est enrichi de nombreuses places supplémentaires, les moins chères et donc fort utiles dans une ville qui compte de nombreux ouvriers. Un foyer spacieux s’offre à ses spectateurs.
  • le théâtre brille avec ses décors dorés à la feuille, un nouveau luminaire en bronze et en cristal, des plafonds ornés de stuc et des murs recouverts de tissu tendu.

Dans les coulisses, on compte de nouvelles loges pour les artistes, de nouveaux espaces de répétition, un espace de stockage pour les décors et un autre pour les costumes.

1976-1988 : modernisation

De nombreux travaux d’entretien, de modernisation et d’embellissement ont suivi. La dernière grande campagne de modernisation s’effectue entre 1976 et 1988. Parmi les modifications, la création d’une passerelle reliant le théâtre au centre chorégraphique. Ce dernier  s’est habillé d’un manteau métallique perforé tout
doré reprenant des danseurs en mouvement en 2015.